« Je n’étais pas Charlie mais là ils ont tué tout le monde » lâche la brave gosse dans un accès d’humanisme dont se repaissent les journaux, les réseaux, les chaines et les sites depuis 48H.
Qu’on se le dise si l’on était tenté d’expliquer les événements du 07 janvier par la provocation de dessinateurs mécréants coupables de dessiner un prophète bienveillant: cette fois, pas d’hésitation, condamnation unanime puisque « tout le monde est touché ». « Tout le monde », pas des trublions en mal de renommée médiatique. Des gens biens, normaux et anonymes. Si même l’anonymat devient dangereux, où va-t-on ? Si se noyer dans la masse ne nous garantit pas qu’une bombe ne nous pétera pas sur la tête un de ces quatre matins, à quoi bon ?
Quand cessera-t-on de s’abriter derrière le discours qui consiste à expliquer –pas justifier, non, non- la folie meurtrière de dégénérés mentaux par l’incurie de l’État, l’incompréhension à l’égard d’une communauté, l’interventionnisme dans des pays lointains de notre démocratie-qui-devrait-se-mêler-de-ce-qui-la-regarde, la provocation dont se rendraient coupables quelques crayonneurs irrespectueux ou la responsabilité des autorités dans le développement de cités, comme à Saint-Denis, où l’entre soi devient le mode de socialisation et d’expression?
Sans doute que la perméabilité à certaines idées est rendue possible selon que l’on se trouve du bon ou de mauvais côté de la barrière. Mais quelle différence y-a-t-il entre la tuerie de Charlie Hebdo et celle du Bataclan ? En admettant l’idée farfelue que dessiner ou écouter du rock puisse en déranger certains, j’ai du mal à voir en quoi on peut ne pas être Charlie et se dire touché par les attentats de vendredi dernier. Si au contraire on considère que la provocation, permise par nos lois, est dans l’œil de celui qui la regarde, on conviendra qu’on parle de valeurs communes à notre société, toutes composantes et communautés confondues : rire ouvertement, s’exprimer librement, dessiner vertement et emmerder franchement. Que les explications et autres raccourcis intellectuels qui consistent placer le débat sur la légitimité des victimes -innocentes au Bataclan alors que celles de Charlie ne l’étaient pas complètement- forgent les rancœurs.
Être Charlie ou le Bataclan ou le Stade de France ou le Carillon, ou le Petit Cambodge, ou Paris, ou, ou, ou…C’est être en vie ! C’est dire : quelles que soient les différences qui s’expriment au sein de notre société (heureusement que notre corps social n’est pas homogène !), on s’entend sur un socle commun. Le rire, l’éclate, l’ouverture. Ce qu’on appelle liberté d’expression, démocratie, France. Pas de symbole ni d’abstraction. De l’humain, rien que de l’humain. La vie comme valeur! Je suis vivante et heureuse de l’être.