La rentrée, des fêtes de fin d’année ou des vacances d’été, est ce moment privilégié où l’on échange en toute quiétude, où l’on ânonne son point de vue sur les ondes, où l’on égrène ses certitudes sur les antennes et les réseaux. Et si l’occurrence est celle d’un attentat, exit la rentrée littéraire qui n’intéresse que les lecteurs. (Il parait d’ailleurs que le Amélie Nothomb est très bien). Un attentat à la rentrée est un sujet aussi démocratique que le dernier Star Wars. Pour peu que s’y ajoute un édito bien senti de Charlie Hebdo, les esprits s’émoustillent et les commentaires se distillent.
Alors là ça tombe bien. Un peu comme le 7 janvier 2015. Barcelone en plein été, quand les médias n’ont plus rien à se mettre sous la dent ou Paris un 7 Janvier, quand on a expurgé le trop plein lipidique en s’écharpant entre la dinde et les mounas, même combat. Enfin une rentrée en fanfare où l’on peut ressasser ad nauseum des arguments éructés en boucle depuis deux ans! Du débat, rien que du débat! Le débat étant aussi cher au coeur des Français -viscéralement attachés à leur liberté d’expression- que les bières un jour de déménagement. Se battre ou débattre, entre gens civilisés la question ne se pose pas et s’il est vrai que certains commentaires appellent un simple « Ta gueule crétin », les gens de bonne compagnie -dont nous sommes- se contenteront d’étaler leurs états-d’âme sur leur fil d’actu.
On trouvera savoureux de se repaitre de quelques pépites picorées ça et là :
– Sur marianne.net, Catherine A. se lâche à la lecture des lignes de Jack Dion du 23/08 « Les anti-Charlie Hebdo lancent leur charge de rentrée » : « Moi, depuis que Emmanuel Todd est ostracisé pour avoir écrit « Qui est Charlie? » je me méfie de ces tribunes à 2 balles pour défendre Charlie Hebdo qui a viré Siné de façon répugnante ». Encore une qui a tout compris. D’ailleurs elle persiste et signe un peu plus loin: « Caroline Fourest a été chroniqueuse à Charlie et Philippe Val directeur de la rédaction…Jusqu’à ce que Sarkozy le nomme à Radio France. C’est assez parlant…». Incollable Catherine et abstraction faite de la défense du droit à la caricature permis par notre mode de vie et de la condamnation des attentats visant à éradiquer l’un et l’autre, elle préfère s’offusquer que l’on puisse contredire les élucubrations d’un essayiste qui voit une manifestation islamophobe dans celle du 11 janvier 2015.
Un peu plus loin, Ibro Dirka (les internautes ont de ces noms…) lui emboite le pas: « Exactement! La liberté d’expression est pour Charlie, je suis d’accord. Mais ce qui est gênant c’est que les gens qui critiquent Charlie sont montrés du doigt comme des parias. Et il y a quelques autres sujets comme ça où l’on a une opinion qui est la bonne et les autres sont dangereuses ». Et notre internaute d’en appeler au point de vue de Patrick Besson sur la guerre de Yougoslavie que Philippe Val avait eu le malheur de taxer de « dangereux ». Patrick Besson est un historien de renom c’est bien connu. Et comme Val fait partie de ces gens sur lesquels il est aisé de chier à moindre frais, je vous épargne la suite.
Mécanique bien huilée qui consiste à discréditer son interlocuteur quand on a plus d’argument à lui opposer.
La palme revient quand même au pote d’un pote. Le mec s’en prend au dernier édito de Riss, « Les autruches en vacances » dans le Charlie n°1309 du 23 août. Je laisse les fautes, il y en a peu. « Je ne remets pas en cause le droit de Charlie de s’exprimer, quand bien même il se fait le porte parole des thèses du FN et consorts. Quand à questionner les ressorts du religieux tu sais bien que la question me passionne et que ce n’est donc pas sur ce point là que porte mon dégoût de cet éditorial, et du business transgressif, mais bien ancré dans la bien-pensance occidentale et dans un athéisme agressif, qui est la ligne éditoriale de Charlie Hebdo. En tant que « islamo bobo » (le type précise être taxé de la sorte), je pense pour simplifier (heureusement qu’il simplifie) que les ressorts du terrorisme islamiste tiennent surtout aux humiliations que subissent ces populations depuis un demi siècle au moins…. »
Here we are. La revoilà la vieille antienne gaucho-fascisante: les terroristes sont les descendants des colonisés et leur geste s’explique par les conditions sociales déplorables offertes à ces populations. Les musulmans pour les citer, sont tous mis dans le même sac de la misère dont ils ne sont pas supposées sortir puisque l’ascension sociale n’existe pas et qu’en plus ils sont plus cons que les autres. Qu’on fasse gaffe alors avec les file d’attente de réfugiés en perdition devant la préfecture de Paris: c’est autant de terroristes en devenir dont il faudra se méfier! Conclusion: surtout débouter leur demande! Qui fait le jeu du FN là? Qui?
Allez on se calme, après tout le débat c’est sain et ce qu’il y a de bien avec les réseaux c’est que tout le monde se sent légitime pour y aller de sa sauce. D’ailleurs je ne me gêne pas pour balancer ma purée. Un peu comme les observateurs qui s’offusquent d’une Une ou d’un Edito sont libres d’acheter ou pas un journal qu’ils conchient. Et nous de lire leur fiel un jour de pluie où il n’y a pas tellement mieux à faire.
Mais j’y pense, c’est la rentrée littéraire! Il parait qu’il est bien le dernier Amélie Nothomb…